[Created: 30 July, 2014]
[Updated: 18 January, 2017] |
A new edition of this journal has been published by the Institut Coppet, Paris in October 2014. Purchase and (soon) download here.
Jacques Bonhomme, (Paris: Imprimerie centrale de Napoléon Chaix et Cie, rue Bergère, 8, 11 June - 13 July, 1848). Manager/director: J. Lobet.
Authors (unsigned): Frédéric Bastiat, Gustave de Molinari, Charles Coquelin, Alcide Fonteyraud, and Joseph Garnier.
Contents of Issue 3:
Below are high resolution images of each article in the issue, with a transcription into French and an English translation. Those attributed to Bastiat by Pailloettet and Molinari will be checked against the version provided in his Oeuvres complètes.
Abbreviations used:
For further information, see the main Jacques Bonhomme page.
No. 3. Paraissant le jeudi et le dimanche. - Prix: 5 centimes. Du 20 au 23 juin 1848. [Issue no.3. Appearing on Thursdays and Sundays. Price: 5 centimes. 20-23 June, 1848.]
Quotations:
Subscriptions:
Publisher's details ca be found at the bottom of the right collumn on Page 2:
Le gerant, J. Lobet.
Imprimerie centrale de Napoléon Chaix et Cie, rue Bergère, 8.
French Transcription:
Sommaire
Aux citoyens Lamartine et Ledru-Rollin. - Funeste gradation. - Les Conseils des Départements et des Communes. - Tous les Français fonctionnaires publics. - Plan du ministre finances. - Cautionnements. - Consultations gratuites de Jacques Bonhomme. - Jacques Bonhomme à l'Assemblée nationale.
English Translation:
Summary of Contents
To Citizens Lamartine and Ledru-Rollin. - A Dreadful Escalation. - The Councils of the Départements and the Communes. - All French Public Servants. - The Plan of the Minister of Finance. - Security Bonds. - Free Advice from Jacques Bonhomme. - Jacques Bonhomme at the National Assembly.
Title: "Aux citoyens Lamartine et Ledru-Rollin" (To Citizens Lamartine and Ledru-Rollin) [attributed to Bastiat by Paillottet and Molinari]
Location: Page 1, left column.
Publication: 1848.06.20-23 “Aux citoyens Lamartine et Ledru-Rollin” (To Citizens Lamartine and Ledru-Rollin) [Jacques Bonhomme, 20-23 June 1848.] [OC7.63, p. 246] [CW1]
French transcription
Aux citoyens Lamartine et Ledru-Rollin
Dissolvez les ateliers nationaux. Dissolvez-les avec tous les ménagements que l’humanité commande, mais DISSOLVEZ-LES.
Si vous voulez que la confiance renaisse, dissolvez les ateliers nationaux.
Si vous voulez que l’industrie reprenne, dissolvez les ateliers nationaux.
Si vous voulez que les boutiques se vident et s’emplissent, dissolvez les ateliers nationaux.
Si vous voulez que les fabriques se rouvrent, dissolvez les ateliers nationaux.
Si vous voulez que la province se calme, dissolvez les ateliers nationaux.
Si vous voulez que la garde nationale se repose, dissolvez les ateliers nationaux.
Si vous voulez que le peuple vous bénisse, y compris cent mille travailleurs de ces ateliers sur cent trois mille, dissolvez les ateliers nationaux.
Si vous n’avez pas résolu que la stagnation des affaires, et puis celle du travail, et puis la misère, et puis l’inanition, et puis la guerre civile, et puis la désolation, deviennent le cortège de la république, dissolvez les ateliers nationaux.
Si vous n’avez pas résolu de ruiner les finances, d’écraser les provinces, d’exaspérer les paysans, dissolvez les ateliers nationaux.
Si vous ne voulez pas que la nation tout entière vous soupçonne de faire à dessein planer incessamment l’émeute sur l’Assemblée nationale, dissolvez les ateliers nationaux.
Si vous ne voulez pas affamer le peuple, après l’avoir démoralisé, dissolvez les ateliers nationaux.
Si vous ne voulez pas être accusés d’avoir imaginé un moyen d’oppression, d’épouvante, de terreur et de ruine qui dépasse tout ce que les plus grands tyrans avaient inventé, dissolvez les ateliers nationaux.
Si vous n’avez pas l’arrière-pensée de détruire la république en la faisant haïr, dissolvez les ateliers nationaux.
Si vous ne voulez pas être maudits dans le présent, si vous ne voulez pas
que votre mémoire soit exécrée de génération en génération, dissolvez les ateliers
nationaux.
Si vous ne dissolvez pas les ateliers nationaux, vous attirerez sur la patrie
tous les fléaux à la fois.
Si vous ne dissolvez pas les ateliers nationaux, que deviendront les ouvriers lorsque vous n’aurez plus de pain à leur donner et que l’industrie privée sera morte ?
Si vous conservez les ateliers nationaux dans des desseins sinistres, la postérité dira de vous : C’est sans doute par lâcheté qu’ils proclamaient la république, puisqu’ils l’ont tuée par trahison.
English Translation
To Citizens Lamartine and Ledru-Rollin
Dissolve the national workshops. Dissolve them with all the care that humanity requires, but *dissolve them*.
If you want a reborn confidence, dissolve the national workshops.
If you want production to revive, dissolve the national workshops.
If you want shops to empty and fill, dissolve the national workshops.
If you want factories to reopen, dissolve the national workshops
If you want the countryside to become peaceful, dissolve the national workshops.
If you want the National Guard to have some rest, dissolve the national workshops.
If you want the people to bless you, including one hundred thousand workers out of the one hundred and three thousand in these workshops, dissolve the national workshops.
If you have not concluded that the stagnation of business followed by the stagnation of employment, followed by poverty, followed by starvation, followed by civil war, followed by desolation will become the Republic’s funeral procession, dissolve the national workshops.
If you have not decided to ruin the finances, crush the provinces, and exasperate the peasants, dissolve the national workshops.
If you do not want the entire nation to suspect you of deliberately having the specter of riots hanging over the National Assembly, dissolve the national workshops.
If you do not want to starve the people after having demoralized them, dissolve the national workshops.
If you do not want to be accused of having imagined a means of oppression, fright, terror, and ruin which exceeds anything the greatest tyrants have ever invented, dissolve the national workshops.
If you do not have the ulterior motive of destroying the Republic by making it hated, dissolve the national workshops.
If you do not want to be cursed in the present and if you do not want your memory to be reviled from generation to generation, dissolve the national workshops.
If you do not dissolve the national workshops, you will draw down onto the country every plague simultaneously.
If you do not dissolve the national workshops, what will happen to the workers when you have no more bread to give them and private production is dead?
If you retain the national workshops with sinister intent, posterity will say of you, “It was doubtless by cowardice that they proclaimed the Republic, since they killed it by treason.”
Title: "Funestre gradation" (A Dreadful Escalation) [attributed to Bastiat by Paillottet and Molinari]
Location: Page 1, left and centre columns.
Publication: 1848.06.20 "Funeste gradation" (A Dreadful Escalation) [Jacques Bonhomme, issue n° 3, 20 to 23 June 1848] [OC7.62, pp. 244-46] [CW4]
French transcription
Funeste gradation
Les dépenses ordinaires de l’État sont fixées, par le budget de 1848, à un milliard sept cents millions.
Même avec l’impôt des 45 centimes, on ne peut arracher au peuple plus de un milliard cinq cents millions.
Reste un déficit net de deux cents millions.
En outre l’État doit deux cent cinquante millions de bons du trésor, trois cents millions aux caisses d’Épargne, sommes actuellement exigibles.
Comment faire ? L’impôt est arrivé à sa dernière limite. Comment faire ? L’État a une idée : s’emparer des industries lucratives et les exploiter pour son compte. Il va commencer par les chemins de fer et les assurances ; puis viendront les mines, le roulage, les papeteries, les messageries, etc., etc.
Imposer, emprunter, usurper, funeste gradation !
[CC]
L’État, je le crains bien, suit la route qui perdit le père Mathurin.
J’allai le voir un jour, le père Mathurin. Eh bien ! lui dis-je, comment vont les affaires ?
— Mal, répondit-il ; j’ai peine à joindre les deux bouts. Mes dépenses débordent mes recettes.
— Il faut tâcher de gagner un peu plus.
— C’est impossible.
— Alors, il faut se résoudre à dépenser un peu moins.
— À d’autres ! Jacques Bonhomme, vous aimez à donner des conseils, et moi, je n’aime pas à en recevoir.
À quelque temps de là, je rencontrai le père Mathurin brillant et reluisant, en gants jaunes et bottes vernies. Il vint à moi sans rancune. Cela va admirablement ! s’écria-t-il. J’ai trouvé des prêteurs d’une complaisance charmante. Grâce à eux, mon budget, chaque année, s’équilibre avec une facilité délicieuse.
— Et, à part ces emprunts, avez-vous augmenté vos recettes ?
— Pas d’une obole.
— Avez-vous diminué vos dépenses?
— Le ciel m’en préserve ! bien au contraire. Admirez cet habit, ce gilet, ce gibus ! Ah! si vous voyiez mon hôtel, mes laquais, mes chevaux !
— Fort bien ; mais calculons. Si l’an passé vous ne pouviez joindre les deux bouts, comment les joindrez-vous, maintenant que, sans augmenter vos recettes, vous augmentez vos dépenses et avez des arrérages à payer ?
— Jacques Bonhomme, il n’y a pas de plaisir à causer avec vous. Je n’ai jamais
vu un interlocuteur plus maussade.
Cependant ce qui devait arriver arriva. Mathurin mécontenta ses prêteurs, qui disparurent tous. Cruel embarras !
Il vint me trouver. Jacques, mon bon Jacques, me dit-il, je suis aux abois ; que faut-il faire ?
— Vous priver de tout superflu, travailler beaucoup, vivre de peu, payer au moins les intérêts de vos dettes, et intéresser ainsi à votre sort quelque juif charitable qui vous prêtera de quoi passer un an ou deux. Dans l’intervalle, vous renverrez vos commis inutiles, vous vous logerez modestement, vous vendrez vos équipages, et, peu à peu, vous rétablirez vos affaires.
— Maître Jacques, vous êtes toujours le même ; vous ne savez pas donner un conseil agréable et qui flatte le goût des gens. Adieu. Je ne prendrai conseil que de moi-même. J’ai épuisé mes ressources, j’ai épuisé les emprunts ; maintenant je vais me mettre à…
— N’achevez pas, je vous devine.
English Translation
A Dreadful Escalation
The ordinary expenditure of the State has been set at one billion seven hundred million for the 1848 budget.
Even with the 45 centimes tax, you cannot extract more than one billion five hundred million from the people.
There remains a net deficit of two hundred million.
In addition to this, the State owes two hundred and fifty million in Treasury bonds and three hundred million to the Savings Banks, and these sums are due right now.
What can we do? Taxation has reached its ultimate limit. What can we do? The State has an idea: to seize lucrative industries and operate them for its own account. It will start with the railways and insurance, followed by the mines, haulage, paper mills, the parcel post, etc. etc.
Taxing, borrowing and usurping, what a dreadful escalation!
I very much fear that the State is following a path that ruined Old Man Mathurin. I went to see Old Man Mathurin one day and asked him “Well, then, how is business?”
“Dreadful”, he answered, “I have difficulty in making ends meet. My expenditure outstrips my income.”
“You have to try to earn a bit more.”
That’s impossible.”
“In that case, you have to make your mind up to spend a little less.”
“Nonsense, Jacques Bonhomme! You are fond of giving advice and for my part, I hate receiving it.”
A little later, I met Old Man Mathurin as shiny as a new penny in yellow gloves and patent leather boots. He came up to me with no hard feelings. “Things are going wonderfully well!” he cried, “I have found lenders who are charmingly compliant. Thanks to them, my budget is balanced each year with marvelous ease.”
“And, apart from these loans, have you increased your income?”
“Not by an obole.”
“Have you reduced your expenditure?”
“God forbid! Quite the contrary. Take a look at this suit, this waistcoat and this top hat! Ah, if you could see my town house, my lackeys and my horses!”
“That is wonderful, but let us work it out. If last year you couldn’t make ends meet, how are you joining them now that, without increasing your income, you are increasing your expenditure and have back interest to pay?”
“Jacques Bonhomme, it is not nice talking to you. I have never met anyone
so gloomy.”
Nevertheless, the inevitable happened. Mathurin displeased his creditors, who all disappeared. What a cruel situation!
He came to see me. “Jacques, my good friend,” he said, “I am desperate; what can I do?”
“Rid yourself of all that is superfluous and work hard, live frugally and at least pay the interest on your debts, and thus arouse the interest of some charitable Jew in your fate so that he lends you enough to last a year or two. In the meantime, sack any unnecessary staff, move to a modest house and sell your carriages, and you will gradually restore the state of your affairs.”
“Master Jacques, you never change. You cannot give a piece of advice that is agreeable and in line with people’s inclinations. Farewell. I will take only my own counsel. I have exhausted my resources. I have exhausted my loans; now I will start to …”
“Don’t say it, let me guess.”
Title: "Les Conseils des Départements et des Communes" (The Councils of the Départements and the Communes) - "Tous les Français fonctionnaires publics" (All French Public Servants) [author unknown]
Location: Page 1, bottom centre and right columns.
French transcription
Les Conseils des Départements et des Communes.
Il y a bientôt quatre mois que le peuple a renversé la monarchie. Il y a un mois et demi que l’Assemblée nationale a proclamé solennellement la république.
Il parait cependant que la nouvelle de ce grand événement n’est pas encore parvenue jusqu’à l’Hôtel-de-Ville de Paris ; encore moins jusqu’aux préfectures de nos quatre-vingt-six départements. Autrement comment pourrait-on s’expliquer qu’à l’heure qu’il est, le citoyen maire de Paris et les citoyens préfets de nos départements s’érigent encore en vice-rois absolus dans leurs domaines respectifs.
Ce n’est assurément pas dans une république qu’on admettrait l’existence de proconsuls ou de satrapes (nous ne tenons pas au choix de nom), exerçant sur les populations une autorité sans contrôle et sans limites.
L’Assemblée nationale ferait donc sagement d’interrompre un instant ses travaux pour expédier des estafettes dans ces diverses directions, afin d’annoncer la grande nouvelle aux fonctionnaires qui paraissent l’ignorer. Ils se hâteraient alors sans nul doute de convoquer le peuple, pour l’élection de ses conseillers muni-ipaux et départementaux.
S’il faut pour cela un décret de l’Assemblée, elle ne saurait trop se hâter de le rendre : c’est, quoi qu’on en puisse dire, une des affaires les plus urgentes du moment.
Si peu que Jacques Bonhomme ait appris de la-tin, il sait que le mot république
signifie : res publica, la chose publique.
Aussi ne consentira-t-il jamais à se croire en république, tant qu’il n’aura rien à voir dans les affaires de sa Commune, laquelle dépense annuellement, s’il est bien informé, quelques quarante millions, dont il fournit sa part.
Il importe beaucoup que dans les départements l’opinion publique prenne assiette. Il importe aussi que la conduite des fonctionnaires publics y soit éclairée et contrôlée. Pour tout cela, la création immédiate des Conseils municipaux et départementaux, sur la base d’une élection démocratique, est d’absolue nécessité.
Il n’est pas sans intérêt non plus, dans un moment comme celui-ci, où de toutes parts de graves embarras surgissent, que les fonctionnaires inexpérimentés auxquels le gouverne-ment de la République délègue ses pouvoirs, trouvent au besoin dans les Conseils locaux des guides et des soutiens.
Je crois, Dieu me damne ! que le citoyen Duclerc, ministre des finances, veut faire de Jacques Bonhomme un employé du gouverne-ment, un fonctionnaire public ! En effet, si on l’écoute, il n’y aura bientôt plus d’industrie libre, et l’État aura tout mis en régie. La semaine passée, le citoyen Duclerc a proposé d’exproprier les actionnaires possesseurs des chemins de fer ; le voilà qui vient de proposer de faire faire les assurances par l’État. Demain il proposera peut-être de faire fabriquer le sucre par l’État ; puis le vin, puis le blé, puis le drap, les souliers et les paletots ; car toutes les inventions produisent des bénéfices que le fisc pourrait faire entrer dans ses coffres.
Jacques Bonhomme proteste. Il connait le coeur humain. Il sait qu’aussitôt qu’un homme (même vertueux par hypothèse) n’est plus responsable de ses oeuvres ; dès qu’il ne travaille plus directement pour lui, mais pour la communauté, son intelligence sommeille et son activité s’arrête. Quand tous les Français seront tous employés, ils seront tous paresseux ; ils travailleront beaucoup moins, produiront beaucoup moins, et la misère s’accroîtra. Si l’Assemblée nationale approuve les plans du citoyen Duclerc en ce qui touche les chemins de fer et les assurances, le peuple français ne tardera pas à être le peuple le moins bien trans-porté et le moins bien assuré du monde. Il arrivera même que les administrations des assurances faisant les plus grandes difficultés pour payer les sinistres, ceux qui voudront être réellement assurés s’adresseront à des assureurs étrangers. De cette façon, la prime payée à l’État sera simplement un impôt.
Un nouvel impôt !
Ne voilà-t-il pas un beau cadeau, pour un ministre de la République !
English Translation
abc
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Title: "Plan du ministre finances" (The Plan of the Minister of Finance) - Cautionnements (Security Bonds) [author unknown]
Location: Page 1, bottom right column; Page 2, left column.
French transcription
Plan du ministre des finances.
Suivant le plan proposé par le ministre des finances, l’État se créerait d’abord, pour le ré-partir sur deux années, une ressource extraordinaire de 580 millions. Voici par quels moyens :
1° La Banque lui prêterait 150 millions ;
2° Le gouvernement serait autorisé à vendre une partie des forêts de l’État jusqu’à concurrence de 15 millions ;
3° Des coupes extraordinaires de bois produiraient en deux ans 55 millions ;
4° Les achats de rentes que les départements effectuent ordinairement à Paris par des intermédiaires, et qui s’élèvent, année moyenne, à 75 millions, se feraient directement, et produiraient, savoir : 25 millions en 1848 et 75 mil-lions en 1849, total, 100 millions ;
5° Réserve de l’amortissement 53 millions ;
6° On ferait, sur le domaine privé de Louis-Philippe, à titre de dédommagement, pour le gaspillage réel ou supposé des forêts de l’État, une retenue de 25 millions ;
7° En se substituant aux compagnies de chemins de fer, l’État s’approprierait leur en-caisse qui est de 45 millions ;
8° Le produit de l’exploitation de ces chemins serait en deux ans de 20 millions ;
9° Enfin, la vente des alluvions et des lacunes de route produiraient 7 millions ;
Total, 580 millions
Voici maintenant quel serait l’emploi de ces fonds :
Une somme de 350 millions serait consacrée à l’achèvement des chemins de fer, à leur exploitation et à l’indemnité due aux compagnies. Il resterait donc, suivant les prévisions du ministre, 230 millions qui serviraient à alléger et à raffermir notre situation financière.
Ce plan est sans doute fort séduisant.
Mais Jacques Bonhomme se permet de croire que le ministre des finances a compté sans son hôte ; c’est-à-dire sans le discrédit général qui affecte aujourd’hui toutes les valeurs et auquel il s’agit précisément de remédier.
Il pense que le jour où le gouvernement voudrait réaliser ces ressources, il les verrait pour la plupart fondre dans sa main.
Le produit de la vente des forêts se réduirait probablement de moitié ;
Le produit des coupes de bois, des deux tiers ;
Le produit de l’achat des rentes dans les départements, des trois quarts.
La Banque a promis de prêter à l’État 150 millions, soit. À quelles conditions ? Peu im-porte ; il ne faut pas s’embarrasser de si peu.
Mais les compagnies des chemins de fer consentent-elles à livrer à l’État leur encaisse comme des rentes ? Et si elles s’y refusent, se propose-t-on de leur prendre à titre d’emprunt forcé ?
Prendre à Louis-Philippe, sur son domaine privé, 25 millions, sous prétexte de gaspillage des forêts de l’État, c’est bien dur ; au moins faudrait-il que le gaspillage fût régulièrement constaté, et l’étendue du dommage apprécié.
Somme toute, il se pourrait que l’opération ne produisit rien au-delà de 350 millions nécessaires pour le rachat et l’exploitation des chemins de fer.
S’il en était ainsi, l’État se trouverait bientôt avec quelques forêts de moins, quelques dettes de plus et une mauvaise affaire sur les bras.
La mauvaise affaire, c’est l’achèvement et l’exploitation des chemins de fer, dont il ne se tirera jamais à son honneur.
Retirez votre projet, M. le ministre, et don-nez-nous autre chose.
_____________
Le ministère, qui se traîne avec tant de peine et si peu de succès à la suite des événements de chaque jour, avait au moins eu jusqu’à présent une certaine réputation de républicanisme. On rangeait nos hommes d’État dans la catégorie des hommes de bonne volonté, ne pouvant les ranger dans celle des hommes d’exécution et de vigueur. On leur accordait le mérite de la foi, ne pouvant leur accorder celui des oeuvres ; mais ce mérite ils viennent de le répudier par une sorte d’apostasie aussi audacieuse qu’inopinée. Par un étrange miracle, leur calendrier a rétro-gradé jusqu’au temps des lois de septembre, ce qui nous fait espérer que la censure et les lois d’amour ne sont pas bien loin. Ainsi il a pu être proposé par un ministre dit républicain, à une chambre issue du suffrage universel, en face des représentants de la presse, c’est-à-dire de ceux qui ont fourni l’amorce dans toutes les grandes explosions libérales, — il a été proposé de maintenir les vieilles lois sur le cautionnement des journaux, et de rétablir pour les oeuvres de la pensée le cens électoral, aboli avec enthousiasme pour les oeuvres de haute politique. De sorte qu’il faudrait maintenant payer la dîme pour avoir le droit d’avoir de l’esprit, du savoir, ou même — si cela se pouvait, de soutenir les actes ministériels. Tout cela serait parfaitement ridicule si M. Bethmont, le titulaire du ministère de la justice, n’avait lancé fort sérieusement son réquisitoire contre la mauvaise presse, à la barbe même des citoyens Flocon, Bastide, Lamartine, lesquels sont issus tout entiers de cette même mauvaise presse. Il faut donc croire que nous aurons à stigmatiser sur le front de nos républicains de la veille les méfaits, le vandalisme, le sacrilège, que nous avions déjà stigmatisés au front des procureurs de l’ex-monarchie, de l’ex-fisc, de l’ex-gendarmerie. Pour être passés ès-mains des créateurs du 24 février et des barri-cades, les ciseaux de la censure n’en sont pas moins devenus la guillotine de l’idée, et nous ne voulons pas plus de gendarmes déguisés en gardes municipaux, puis en agents de sûreté, que nous ne voulons des bureaux de l’esprit public transformés en édits sur le cautionne-ment. Pourquoi pas le timbre ? Pourquoi pas le privilège octroyé ? Pourquoi pas les jurés probes et libres ? Pourquoi pas la fine fleur des procès de tendance greffés sur l’arbre de la liberté ?
Jacques Bonhomme avoue très humblement que s’il lui faut extraire de sa poche et retirer de ses fermes, qui ne vont déjà pas trop bien, de quoi fournir un cautionnement, il lui faudra aussi se résigner à ne plus paraître, à ne plus gloser avec ses amis sur ce qui se passe ou ce qui ne se fait pas plutôt. Il en serait doublement marri : pour lui peut-être, mais à coup sûr pour ceux qu’il s’efforce d’éclairer, et pour ceux qui gagnent leur vie à le composer, l’imprimer, le plier, l’afficher, le crier, etc. De plus il a eu beau tourner la question dans tous les sens et se creuser le cerveau, il n’a jamais pu parvenir à concevoir pourquoi il faudrait donner un cautionnement pour faire un journal qui remue à peine quelques idées, qui plaît ou qui fait hausser les épaules à quelques poignées de lecteurs, et pourquoi il n’en faudrait pas lorsqu’on publie un livre, lorsqu’on commande en chef une armée, et surtout lorsqu’on a l’insigne honneur de tenir en main le manche d’une charrue comme en France. Il n’est pas riche à coup sûr, mais il s’engage encore à verser dans les caisses du Trésor de quoi répondre de ses erreurs su de ses crimes futurs, si les citoyens Flocon, Beth-mont, Duclerc, Marie, etc., déposent de quoi répondre des services, des intérêts et de la grandeur de la France. Et nous croyons que son cautionnement serait infiniment moins compromis que le leur.
English Translation
[to come
Title: "Consultations gratuites de Jacques Bonhomme (suite.)" (Free Advice from Jacques Bonhomme (continued)() [author unknown]
Location: Page 2, bottom left and top central columns.
French transcription
Consultations gratuites de Jacques Bonhomme. (Suite.)
— J’écoute, maître Jacques ; mais je crains que vous ne puissiez pas arriver à me prouver qu’il n’y a rien de mieux que ce qu’on nous donne. J’ai vu de meilleures pièces à l’Ambigu, et de meilleurs auteurs aussi.
— Qui donc t’a monté ainsi la tête, Pierre ?
— Ce sont les amis, quoi ! Des crânes poli-tiques, allez, qui ne perdent pas leur temps à pousser le rabot, à faire des souliers ou à lire ; mais qui étudient sur la place publique, qui travaillent de la langue et nous font voir, clair comme jour, qu’il n’y a rien de fait et que tout est à faire.
— Ce n’est pas flatteur pour les héros des barricades, ce qu’ils disent là.
— C’est possible, mais c’est vrai. Nous sommes restés en route ; un coup de collier de plus, et nous étions organisés. — C’est le mot, je crois ; — l’État nous prêtait de l’argent sur notre signature, — comme dit Bilboquet ; —l’ouvrage nous tombait dans les mains sans nous déranger ; le blé poussait toujours, le vin coulait toujours, et on se partageait des bénéfices superbes tous les ans.
— Bravo ! mais ça coûte cher tout cela ?
— Allons donc. Ce sont les riches, les bourgeois qui auraient payé la carte. C’est à eux à ne pas avoir des capitaux, afin de nous exploiter, comme dit un de nos malins, un fier gars, qui traite Robespierre d’aristocrate, parce qu’il priait le bon Dieu et reconnaissait la propriété. Et puis, comment voulez-vous être content ? Est-ce que le travail va quelque part ? Est-ce que nous ne sommes pas obligés de recevoir trente ou quarante sous tous les jours, en attendant que l’on associe les travailleurs ? Est-ce que nous ne sommes pas plus malheureux que jamais ? Le Trésor ne pourrait peut-être pas me donner la monnaie de cent sous, et vous voulez que ça aille, et vous dites que nous avons gagné quelque chose à la République ! — Ah ! maître Jacques, il faudrait nous remettre au galop.
— D’autres disent au contraire qu’il faudrait reculer. — Tu es borgne de l’oeil droit, ils le sont de l’oeil gauche ; voilà toute la différence : seulement, toi et tes pareils, vous êtes tous bornes et ingrats par-dessus le marché.
— Ingrats ? vous plaisantez, maître ?
— Oui, ingrats : voyons, avec quoi conduit-on un pays ? C’est avec des lois, n’est-ce pas ?
— C’est vrai.
— Eh bien ! le pays, le peuple, ont donc intérêt à ce que les lois soient bonnes, bien exécutées, et à ce qu’on ne les fabrique plus en fa-mille, comme cela se faisait à ta barbe hier encore, par de gros bonnets où tu n’aurais jamais mis ta tête, nigaud ; et tu penses bien que les gros bonnets travaillent pour eux. Faillait-il laisser aller les choses comme cela ?
— Non, mordienne ! — mille fois non.
— Eh bien ! voyant que les députés du monarque étaient trop durs à la détente des droits de tous, on leur a forcé la main et on est parve-nu à établir que le peuple couvrant le sol, bat-tant le beurre, faisant les maisons, pouvait bien être son maître. Alors on a publié sur tous les murs, et en grosses lettres, ces mots : Souveraine-té du peuple. Est-ce juste, dis ?
— Parbleu ! le charbonnier est bien maître chez lui.
— Tu y viens, Pierre.
— Vous voilà donc maître ; et comme l’oeil du maître vaut mieux que tous les gendarmes et tous les commis, on t’a donné le suffrage universel, c’est-à-dire le droit de veiller sur ton grain, et de faire faire tes lois comme tu l’entends. Et comme c’est avec des petits bouts de loi qu’on ruine ou qu’on enrichit un pays, qu’on impose ton sel, ton tabac, ta viande, tes lettres, tes passeports, ton vin, ou qu’on diminue au contraire les impôts et les corvées, tu comprends que maintenant ça dépend de toi et de tous tes amis d’être gouvernés à bas compte.
— Ah ! Pierre, mon ami, n’est-ce pas beau de pouvoir se mettre dans la balance pour la faire pencher du bon côté !
— Oui-dà, et je voudrais bien y mettre ma femme aussi, qui a du bon.
— Ça viendra. Mais en attendant tu as, vous avez dans les mains la clef de la caisse et le gouvernail, et vous ne l’aviez pas avant. C’est toujours ça de gagné, mon garçon.
— Je comprends.
— Quand ce sont les autres qui tiennent le gouvernail et les clefs de la caisse, on est en monarchie ; et quand c’est soi-même, on est en république. Vive la République, alors !
— Oui, Pierre, et qu’elle vive toujours ! Seulement il faut savoir se servir des clefs et du gouvernail.
— Vous m’apprendrez ça, maître Jacques.
— Je tâcherai, mon ami.
English Translation
[to come]
Title: "Chronique politique: Jacques Bonhomme à l'Assemblée nationale" (Political Chronicle: Jacques Bonhomme at the National Assembly) [author unknown]
Location: Page 2, central and right columns.
French transcription
CHRONIQUE POLITIQUE
Jacques Bonhomme à l’Assemblée nationale
Jacques Bonhomme s’étant fait journaliste, de simple laboureur qu’il était, Jacques Bon-homme s’est mis à suivre régulièrement les séances de l’Assemblée nationale. Non pas qu’il y trouve beaucoup de plaisir. Non ! Jacques Bonhomme aimerait mieux travailler tranquillement son champ ou bien achever d’enclore son pré, en respirant le grand air du matin à pleines gorgées, que d’aller s’enfermer pendant la moitié du jour dans une assemblée si bien composée qu’elle soit. Jacques Bonhomme n’aime pas les endroits où l’on crie et où l’on s’étouffe. Jacques Bonhomme préfère le chant du rossignol, voire de la fauvette, aux plus beaux discours des plus beaux orateurs du pays, et il est plus à l’aise sur le tapis d’herbe et de marguerites de sa prairie que sur les tapis de laine à ramages des salons de Paris.
Mais Jacques Bonhomme a compris qu’il ne pouvait écrire son journal en conduisant sa charrue, en plantant ses haies ou en sarclant les mauvaises herbes de son jardin, et Jacques Bonhomme est venu comme les autres savoir ce qui se passe à l’Assemblée nationale. Depuis lundi de la semaine passée il n’a pas manqué une séance.
Jacques Bonhomme a été assez content de l’aspect de l’Assemblée ; et autant qu’il a pu en juger en si peu de jours, il lui a paru que l’Assemblée était aussi bonne qu’on pouvait la souhaiter. Non pas que Jacques Bonhomme ne se fût imaginé quelque chose de mieux encore. Jacques Bonhomme pensait que… Mais Jacques Bonhomme vous dira une autre fois comment l’Assemblée aurait dû être composée pour être tout à fait selon son coeur et selon son esprit. Aujourd’hui Jacques Bonhomme se con-tentera de raconter ce qu’il a vu faire à l’Assemblée pendant les sept jours de la semaine passée.
Quoique Jacques Bonhomme soit bien un peu bavard de nature, il fera son récit aussi court que possible. Jacques Bonhomme sait qu’un bon nombre des braves et dignes gens qui veulent bien donner un sou pour acheter sa feuille sont fort occupés durant tout le jour et qu’ils n’ont guère le loir d’en lire bien long le soir. On joue alors avec les mioches, on caresse un brin la ménagère, on jase avec les voisins en fumant sa pipe ; et comme tout cela repose l’esprit et les bras un peu mieux que la poli-tique, on se couche sans avoir lu les grands articles des journaux. Voilà pourquoi Jacques Bonhomme s’est bien promis de raconter tou-jours simplement et crûment, sans faire de longues phrases, ce qu’il aura vu et entendu chacun des jours de la semaine.
Lundi.
Jacques Bonhomme a entendu lire ce jour-là l’exposé du projet de M. Duclerc, ministre des finances, pour le rétablissement des finances de la République. Jacques Bonhomme avait dans son village un voisin qui était criblé de dettes. Pour se tirer d’affaire avec ses créanciers, savez-vous ce que faisait le voisin de Jacques Bon-homme ? Il faisait de nouvelles dettes pour payer les vieilles. Mais comme plus loin il allait dans ce mauvais chemin, plus son crédit bais-sait, plus ceux qui lui prêtaient de l’argent exigeaient des conditions de jour en jour plus dures, si bien qu’à la longue, à force de creuser de grands trous pour en boucher de petits, le voisin de Jacques Bonhomme finit par en creuser un si large et si profond qu’il ne s’en put tirer.
Eh bien ! il a semblé à Jacques Bonhomme que le ministre des finances de la République prenait le même chemin que son ancien voisin. Au lieu d’économiser, le ministre veut emprunter ; et comme personne aujourd’hui n’aime à lâcher son avoir, le ministre empruntera à gros deniers. En outre, le ministre veut vendre une partie des forêts de l’État. Jacques Bonhomme approuverait beaucoup cette idée-là dans les temps de calme et de bon crédit, car il est persuadé que le gouvernement administre fort mal ses forêts, et que des particuliers en tireraient un bien meilleur parti ; mais Jacques Bonhomme est d’avis que si l’État vend ses bois à pré-sent, il les vendra à grande perte et fera une fort mauvaise affaire.
Mardi.
À la fin de la séance de lundi, on s’était beaucoup occupé du citoyen Louis Bonaparte. Jacques Bonhomme, non plus que les quatre-vingt-dix-neuf centièmes de ceux qui s’en occupaient, ne connaissait ce citoyen-là, autrement que comme un des neveux de l’empereur. Or, des neveux de l’empereur, il y en a déjà deux à l’Assemblée nationale, et entre ces deux-là, il y en a un qui ressemble beaucoup plus au « petit caporal » que le citoyen Louis Bonaparte. Pour-quoi donc s’occupait-on du citoyen Louis Bonaparte plutôt que de ses deux cousins ? Était-ce parce que le citoyen Louis Bonaparte est l’héritier en ligne directe de l’empereur ? Mais le peuple a déjà fait deux révolutions pour abolir des gouvernements héréditaires ; le peuple ne veut plus de l’hérédité ; il veut à l’avenir nom-mer lui-même ceux qu’il jugera dignes de le gouverner… Qu’importe donc aux yeux du peuple que Louis Bonaparte soit ou ne soit pas l’héritier direct de Napoléon ? Mais peut-être le peuple s’occupait-il de Louis Bonaparte, à cause de la supériorité de ses connaissances et de son jugement ? Hélas ! le peuple sait bien que le citoyen Louis Bonaparte est un homme d’un esprit fort ordinaire, un homme qui s’entend mieux à manier un fusil de chasse qu’à dé-brouiller les affaires de l’État ; le peuple sait bien aussi que le citoyen Louis Bonaparte a commis deux actes de folie en essayant de se faire proclamer empereur des Français à Stras-bourg et à Boulogne. Le peuple sait bien, en-fin, que le citoyen Louis Bonaparte n’est ni un homme de bon esprit, ni un homme de bon jugement.
Jacques Bonhomme s’étonnait donc beau-coup du grand tumulte qui se faisait à propos du citoyen Louis Bonaparte, et il se demandait si tout cela était bien clair ; s’il n’y avait pas dans la foule qui criait : Vive Napoléon ! vive l’empereur ! des gens qui gagnaient à ce passe-temps-là plus d’argent qu’un honnête ouvrier n’en peut gagner dans sa journée… Néanmoins, Jacques Bonhomme était d’avis qu’il ne fallait pas donner à l’affaire plus d’importance qu’elle n’en méritait ; Jacques Bonhomme était d’avis que l’Assemblée ferait sagement d’admettre par-mi ses membres le citoyen Louis Bonaparte, sans chicaner le moins du monde sur son élection.
L’Assemblée a pensé comme Jacques Bon-homme ; mais l’Assemblée a eu le tort de s’occuper pendant toute la séance de la question de savoir si elle admettrait ou si elle n’admettrait pas le citoyen Louis Bonaparte. Une séance pour un homme, c’est trop !
Mercredi.
Les fonctionnaires publics appelés à la représentation nationale pourront-ils conserver leur emploi, tout en demeurant représentants du peuple ? Telle était la question que l’Assemblée avait à résoudre. — L’Assemblée a décidé que les employés pourraient conserver leur mandat de représentant, mais qu’ils seraient tenus d’abandonner le traitement de leur emploi.
Jacques aurait voté avec la majorité de l’Assemblée.
Jeudi.
Le citoyen Pierre Leroux, que le peuple de Paris a envoyé à l’Assemblée nationale, a fait un tableau de la misère des ouvriers qui a vivement ému Jacques Bonhomme. Le citoyen Pierre Leroux est plein de coeur ; il ressent les souffrances du peuple, comme si c’étaient les siennes. Malheureusement le citoyen Pierre Leroux n’est pas fort sur les remèdes qui conviennent au mal ; du moins, c’est l’avis de Jacques Bon-homme. Le citoyen Pierre Leroux voudrait, par exemple, qu’on établît des colonies agricoles. Mais, pour établir des colonies agricoles, il faut de l’argent, et pour avoir de l’argent, il faut augmenter les impôts. Or, Jacques Bonhomme pense que l’on soulagera bien mieux le peuple en diminuant les impôts qu’en les augmentant.
À la fin de la séance, on a lu une lettre du citoyen Louis Bonaparte. Dans cette lettre, il y avait la phrase que voici : « Si le peuple m’im-posait des devoirs, je saurais les remplir. » Peut-être la phrase voulait-elle dire beaucoup plus qu’un bon citoyen ne doit dire dans une république, peut-être ne voulait-elle rien dire. L’Assemblée a eu le tort d’en prendre beaucoup de souci.
Vendredi.
Le citoyen Louis Bonaparte aime à écrire, mais il n’a pas toujours la main également heureuse. Hier, par exemple, peu s’en est fallu que sa lettre ne le fît déclarer traître à la patrie. En voici une autre qui est infiniment mieux accueil-lie. Elle renferme la démission du citoyen Bonaparte. Jacques Bonhomme félicite le citoyen Bonaparte de sa résolution : n’avons-nous pas déjà bien assez de difficultés sur les bras ?
Voici maintenant une autre affaire. Tout le monde sait que les élections n’ont pas été faites partout d’une manière irréprochable ; tout le monde sait que les commissaires du gouverne-ment, les employés grands et petits, et jusqu’aux maires, ont voulu, dans beaucoup d’endroits, faire les élections à leur manière. Dans le département de l’Hérault, un maire a fermé le scrutin à 3 heures, au lieu de le laisser ouvert jusqu’à 6, — et cela afin d’empêcher les paysans des environs, qui étaient opposés à son candidat, M. Laissac, de venir voter. L’Assemblée a ordonné qu’une enquête serait faite sur l’élection, — et si les choses se sont passées comme on l’a rapporté, l’élection sera cassée. — Jacques Bonhomme pense que ce sera d’un bon exemple pour l’avenir.
Plusieurs colons de l’Algérie ont demandé que cette colonie fût réunie à la France. Ces braves gens ont pensé, aux rebours du bon sens, qu’ils seraient mieux gouvernés par les bureaucrates de Paris que par un gouvernement siégeant à Alger. L’Assemblée n’a pas été de leur avis ; elle a décidé que l’Algérie continuerait d’être gouvernée à part. Mais comme le gouvernement de l’Algérie est plein d’abus, l’Assemblée a décidé en même temps qu’on s’occuperait sans retard des moyens de l’améliorer. Fort bien ! mais que le comité des colonies n’aille pas s’endormir !
Samedi.
Jacques Bonhomme a eu aujourd’hui le coeur navré. Dans plusieurs départements, les pay-sans, accablés de misère, ont refusé de payer l’impôt des 45 centimes. Dans la Creuse, ils se sont mis en insurrection contre l’autorité. Il y a eu un combat près de Guéret ; treize hommes ont été tués. Les paysans ont eu le dessous.
C’est le citoyen Pierre Leroux qui est venu raconter à l’Assemblée ces faits lamentables et demander ce que le gouvernement comptait faire. Le ministre des finances a répondu que le gouvernement ne pouvait se passer des 45 centimes. Jacques Bonhomme pense que si le ministre connaissait bien la situation des pauvres paysans des campagnes, il ferait tout au monde pour se passer des 45 centimes. Il proposerait, par exemple, de réduire l’armée d’un bon tiers, de congédier les employés inutiles et de dis-soudre les ateliers nationaux, pour lesquels on vient encore de demander 3 millions. Ah ! si Jacques Bonhomme était ministre des finances !
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L’Assemblée nationale ne siège pas le dimanche. Lundi elle doit s’occuper de la question des chemins de fer. Vous savez que le ministre des finances veut que le gouvernement, qui dans ce moment-ci est très pauvre, nous rembourse les bons du Trésor et les créances des caisses d’épargnes, rachète les chemins de fer. Jacques Bonhomme, qui n’a pas l’habitude d’acheter une blouse même avant d’avoir payé l’ancienne, espère bien que l’Assemblée nationale enverra promener le ministre des finances.
English Translation
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Title: "Avis publics" (Public Notices)
Location: Page 2, bottom right column.
French transcription
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English Translation
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