Charles Comte, “Avertissement” (Sept. 1814)

Charles Comte (1782-1837)  

 

This is part of an Anthology of writings by Charles Comte (1782-1837), Charles Dunoyer (1786-1862), and others from their journal Le Censeur (1814-15) and Le Censeur européen (1817-1819).

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Source

Le Censeur, ou examen desactes et des ouvrages qui tendent à détruire ou à consolider la constitution del'état, par M. Comte. Tome premier. Nouvelle édition, revue et corrigée (Paris: Madame Marchant, 1814). (Unsigned but probably CC) Charles Comte, “Avertissement”, p. iii-vi.

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Text

[iii]

AVERTISSEMENT.

Lorsque Napoléon Bonaparte sefut emparé des rênes du gouvernement, il présenta aux Français une constitutionqui leur garantissait le libre exercice de leurs droits civils et politiques, et qui aurait fait leur bonheur s'il n'avait pas eu le soin d'y introduire tousles vices qu'il crut propres à favoriser son ambition. Comme les hommes qu'ilavait appelés pour la rédiger (et qu'il désigna ensuite pour la maintenir), n'avaient eu pour objet que de s'emparer de l'autorité souveraine, ils y portèrent des atteintes continuelles, et la renversèrent entièrement dès qu'ils [iv] se crurent arrivés à leur but, en proclamant que Bonaparte était la loi suprême et toujours vivante, et que le sénat lui-même était au-dessus des lois. Si un homme courageux avait alors élevé la voix pour la défense de la constitution, la police, après l'avoir fait signaler par les journaux comme un séditieux et comme un traître, l'aurait envoyé dans un des cachots où Pichegru fut étranglé.

Ce règne de violence et d'oppression a cessé, et un nouvel ordre de choses lui a succédé. La plupart des vices qui se trouvaient dans notre constitution ont disparu; mais il faut empêcher qu'ils s'y introduisent de nouveau; il faut surtout qu'elle soit respectée, et qu'elle le soit par les ministres du prince comme par le dernier des Français. Ce respect, que tous les citoyens doivent aux lois de leur pays, ne peut exister que par l'opinion publique, et l'opinion ne peut être formée que par l'éducation, ou par des écrits périodiques qui soient à la portée detout le [v] monde. Sous ce rapportées journalistes pourraient être d'une grande utilité; mais la haute importance qu'ils attachent à de simples discussions littéraires; l'indifférence qu'ils ont pour tout ce qui tient à la morale ou à la législation, et l'habitude de cette adulation servile que la plupart d'entre eux ont contractée sous le dernier gouvernement, ne permettent pas d'espérer qu'ils s'occuperont d'éclairer les citoyens sur leurs véritables intérêts. Comment attendre, en effet, que des hommes toujours prosternés devant la puissance, aient jamais le courage de dire la vérité et de dénoncer au public les erreurs ou les actes arbitraires d'un ministre?

Ce qu'ils ne font point, j'ose l'entreprendre. Etranger à tous les gouvernemens qui se sont succédés en France durant l'espace de vingt années, je n'ai, en écrivant, que l'intérêt qui doit animer tous les Français, celui de voir mes concitoyens obéir aux lois, respecter la morale publique, et résister à l'oppression. Que les hommes de tel ou de tel parti, de telle ou de telle secte, [vi] necherchent donc point dans cet ouvrage de quoi alimenter leurs passions; car ils n'y trouveront lien qui puisse leur plaire.

Tous les mois il en paraîtra quatre cahiers de trois feuilles au moins.